
Photo: Uwase Constantin / PNUD Rwanda
À travers l’Afrique, la dégradation des terres et le changement climatique s’intensifient et convergent, alimentant une crise environnementale majeure. En effet, l’exploitation non durable des terres, la déforestation, ainsi que l’érosion des sols ont rendu des millions d’hectares infertiles, privant les communautés des ressources naturelles dont elles ont besoin. En parallèle, les effets du changement climatique tels que la modification des régimes de précipitations, la hausse des températures, les sécheresses et les inondations plus fréquentes accentuent les pressions sur l’agriculture et les ressources en eau.
Aujourd’hui, il est estimé que 65 pour cent des terres en Afrique sont touchées par la dégradation et la sécheresse, affectant plus de 400 millions de personnes et entraînant des pertes économiques dépassant 70 milliards de dollars US chaque année.
Par conséquent, à travers le continent, les gouvernements font de la restauration des terres une priorité nationale et régionale. En mettant en œuvre des politiques novatrices, des partenariats et des investissements, ils s’engagent à inverser la dégradation des sols tout en renforçant l’adaptation et la résilience face au changement climatique. Ces efforts apportent des bénéfices concrets à la fois pour les populations et pour la nature : ils contribuent à la sécurité alimentaire, créent des opportunités économiques et renforcent la capacité des communautés à faire face aux chocs climatiques.
Avec le soutien du Fonds pour les Pays les moins avancés et du Fonds pour l’environnement mondial et du PNUD, l’Éthiopie, le Rwanda ainsi que le Sénégal restaurent des terres dégradées afin d’en faire des moteurs de stabilité et de productivité. Leur expérience constitue donc un modèle reproductible pour d’autres pays confrontés à des défis similaires.
Sécuriser les moyens de subsistance ruraux en Éthiopie
En Éthiopie, la lutte contre la dégradation des terres est essentielle pour préserver les moyens de subsistance ruraux et la résilience communautaire. L’enjeu est de taille. Plus de 90 pour cent des ménages ruraux dépendent de l’agriculture, alors qu’on estime que plus des trois quarts des terres du pays sont dégradées. Cela réduit fortement la productivité agricole et accentue la vulnérabilité face aux chocs climatiques, risquant de faire basculer davantage de ménages dans la pauvreté et l’insécurité alimentaire.
Pour y faire face, l’Éthiopie mise sur des solutions fondées sur la nature, en alliant restauration écologique et adaptation directement menée par les communautés. Le pays restaure les terres agricoles et les collines dégradées grâce à diverses techniques de conservation des sols et de l’eau – telles que la construction de terrasses, de tranchées, de gabions et la plantation d’arbres. Ces interventions, dans lesquelles les communautés jouent un rôle central, ont considérablement amélioré la rétention d’eau, la fertilité des sols et le contrôle de l’érosion.

Zubair Ame, agriculteur dans le district de Bishan Babile, a diversifié sa production avec des bananes, des papayes, des pommes, des mangues, des citrons, du café, etc. Photo : PNUD Éthiopie / Autorité éthiopienne de protection de l’environnement

Tamito Oniso a fondé un groupement d’épargne avec six autres femmes dans le district de Kererto. Photo : PNUD Éthiopie / Autorité éthiopienne de protection de l'environnement
Dans les régions montagneuses d’Amhara, du Tigré, d’Oromia et des Nations, Nationalités et Peuples du Sud, plus de 3 600 hectares de terres agricoles et de collines dégradées ont été restaurés. Les actions menées incluent la construction de plus de 2 000 kilomètres de terrasses et l’aménagement de plus de 63 000 bassins pour capter les eaux de pluie et limiter l’érosion. Enfin, plus de 11 millions d’arbres ont été plantés, contribuant à stabiliser les écosystèmes, améliorer la santé des sols et renforçer la biodiversité.
Près de 30 000 agriculteurs, dont presque la moitié sont des femmes, ont adopté des pratiques agricoles intelligentes face au climat telles que des cultures résistantes à la sécheresse, la conservation de l’humidité, le compostage ou encore l’apiculture. Ces approches ont permis de diversifier leurs sources de revenus et de renforcer leur résilience face aux aléas climatiques. Les ménages dirigés par des femmes, en particulier, ont gagné en sécurité alimentaire et en autonomie économique grâce à un meilleur accès aux ressources et à des formations ciblées.
Enfin, dans le cadre d’un projet en cours dans les régions arides, les communautés ont réhabilité près de 2 000 hectares de terres communautaires et agricoles. Plus de 2,8 millions de plants d’arbres ont été mis en terre, avec 1,45 million de plants supplémentaires en préparation. Parallèlement, plus de 88 000 personnes ont bénéficié d’un accompagnement technique pour adopter des pratiques résilientes au climat.
Ces initiatives montrent comment la restauration des écosystèmes ainsi que l’adaptation menée par les communautés peuvent renforcer la résilience et poser les bases d’un avenir plus durable face aux défis climatiques.
Renforcer la résilience des villages ruraux au Rwanda
Tout comme en Éthiopie, les pluies irrégulières, les inondations et les sécheresses intensifient la dégradation des terres au Rwanda, menaçant ainsi la productivité agricole. Ces défis sont particulièrement présents dans les zones couvertes par le programme de regroupement rural Imidugudu lancé par le gouvernement afin d’améliorer le développement et l’accès aux services dans les zones rurales. Dans ces villages, la mauvaise gestion des terres et des infrastructures accentue la vulnérabilité des communautés face aux effets du changement climatique.
Afin de répondre à ces enjeux, le gouvernement rwandais a mit en place un projet innovant dans les districts de Gakenke et Kirehe. Il vise à renforcer la résilience climatique des villages ruraux en combinant restauration des écosystèmes, amélioration des infrastructures, agriculture adaptée au climat et les moyens de subsistance durables.

Des activités de reboisement contribuent à renforcer la résilience climatique des villages ruraux à Gakenke. Photo : Uwase Constantin : PNUD Rwanda

Des acteurs locaux se préparent à planter des arbres à Gakenke. Photo : Uwase Constantin / PNUD Rwanda

L’irrigation aide les agriculteurs de Kirehe à faire face à la sécheresse. Photo : Uwase Constantin / PNUD Rwanda
The project’s interventions include the creation of terraces, forest rehabilitation, tree planting and riverbank protection. Infrastructure enhancements such as irrigation systems complement these efforts, alongside training programmes in climate-smart agriculture and the promotion of sustainable livelihoods like agroforestry. The use of improved cookstoves, which reduce dependency on increasingly scarce biomass fuels, is another vital component.
Les interventions du projet incluent la création de terrasses, la réhabilitation forestière, la plantation d’arbres et la protection des berges. Ces actions sont renforcées par l’installation de systèmes d’irrigation, des formations en agriculture climato-intelligente et la promotion de moyens de subsistance durables comme l’agroforesterie. L’introduction de foyers améliorés, qui réduisent la dépendance aux bois de chauffe de plus en plus rares, constitue également un volet essentiel.
L’une des réalisations majeures du projet est l’installation de systèmes d’irrigation solaire à petite échelle sur 80 hectares à Kirehe, une zone historiquement sujette à la sécheresse. Ces systèmes, combinés aux nouvelles terrasses, ont considérablement renforcé la résilience agricole, permettant aux communautés de s’adapter au changement climatique et d’améliorer leur sécurité alimentaire.
Depuis le lancement du projet fin 2022, plus de 286 000 personnes en ont déjà bénéficié. Plus de 5 000 hectares de terres dégradées sont désormais placés sous une gestion améliorée. Aussi, les agriculteurs constatent une multiplication par trois de leurs récoltes, principalement grâce aux efforts de restauration des écosystèmes et à la réduction de l’érosion des sols rendue possible par les nouvelles terrasses.
Ces interventions ne se contentent pas de restaurer les paysages dégradés : elles contribuent à construire des communautés plus sûres, plus vertes et plus autonomes.
Restaurer les écosystèmes dégradés au Sénégal
Au Sénégal, la désertification et la dégradation des terres menacent les populations et leurs moyens de subsistance. Des années d’exploitation non durable des sols, de surpâturage et d’impacts climatiques croissants ont appauvri les terres, raréfié l’eau et réduit drastiquement la couverture végétale. Ces défis sont particulièrement marqués dans la Réserve de biosphère du Ferlo et sur le Plateau de Thiès.
Afin d’inverser ces tendances, un nouveau projet dirigé par le gouvernement du Sénégal vise à restaurer les écosystèmes dégradés et à renforcer la résilience locale. En effet, en misant sur l’agriculture intelligentes face au climat, l’agroforesterie et une meilleure gestion des sols et de l’eau, l’initiative prévoit de restaurer plus de deux millions d’hectares de terres. Cela passera notamment par la régénération naturelle assistée, la plantation d’espèces locales résistantes à la sécheresse et le soutien à des pratiques de pâturage durable qui préviennent l’érosion et améliorent la fertilité des sols.
L’un des exemples les plus prometteurs se trouve dans la commune de Ranérou, dans la région du Ferlo, où les conditions semi-arides et des températures dépassant 42 °C ont longtemps freiné le développement agricole. Dans une zone où l’horticulture paraissait impossible, le projet a permis la création réussie d’un périmètre écologique de 3 hectares. Cet espace vert, désormais cultivé par 86 femmes et huit jeunes garçons issus de familles vulnérables, a nettement amélioré la sécurité alimentaire locale en réduisant la dépendance aux marchés extérieurs.

Grâce à l’agroforesterie, à l’agriculture durable et à la gestion des sols, le Sénégal vise à restaurer plus de deux millions d’hectares. Photo : Agence Sénégalaise pour la Grande Muraille Verte (ASERGM)

Dans les régions du Ferlo et du Plateau de Thiès, les efforts de restauration contribuent à restaurer les terres dégradées. Photo : Agence Sénégalaise pour la Grande Muraille Verte (ASERGM)

Le périmètre écologique de Ranérou a amélioré la sécurité alimentaire locale en réduisant la dépendance aux marchés extérieurs. Photo : Agence sénégalaise pour la Grande Muraille Verte (ASERGM)

Le projet permet aux communautés – notamment les femmes et les jeunes – de gérer les ressources naturelles de manière durable. Photo : Agence sénégalaise pour la Grande Muraille Verte (ASERGM)
Bien plus qu’un projet de restauration, ce site écologique est devenu un espace de gouvernance partagée et de prise d’initiative locale. Un comité de gestion – composé de représentants des ministères locaux ainsi que d’associations de femmes et de jeunes – veille à la transparence, au suivi quotidien et a l’appropriation locale du projet. Grâce aux revenus générés par le maraîchage, le site couvre déjà une partie de ses coûts de fonctionnement, tout en renforçant la solidarité et la coopération entre les femmes.
De manière générale, le projet dans son ensemble continue d’autonomiser les communautés à travers le Sénégal – notamment les femmes et les jeunes – afin qu’elles gèrent les ressources naturelles de façon plus durable. Grâce à la formation, à l’appui à la planification et au renforcement des capacités institutionnelles, il crée les conditions d’une durabilité à long terme. Les coopératives de femmes jouent un rôle moteur dans les efforts de reboisement et expérimentent de nouvelles activités génératrices de revenus en accord avec les objectifs de restauration des terres.
Enfin, cette approche intégrée ne se limite pas seulement à restaurer des écosystèmes : elle revitalise des communautés. Elle appuie les objectifs du Sénégal en matière de neutralité en dégradation des terres et d’adaptation au changement climatique, tout en offrant un modèle reproductible pour lutter contre la désertification, renforcer la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance ainsi que la résilience dans certaines des zones les plus touchées.
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Le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) est une famille multilatérale de fonds dédiée à la lutte contre la perte de biodiversité, le changement climatique et la pollution, ainsi qu’au soutien de la santé des terres et des océans. Grâce à ses financements, les pays en développement peuvent relever des défis environnementaux complexes et progresser vers la réalisation des objectifs internationaux en la matière. Au total, le partenariat regroupe 186 gouvernements membres, ainsi que des représentants de la société civile, des peuples autochtones, des femmes et des jeunes, en mettant l’accent sur l’intégration et l’inclusivité. Au cours des trois dernières décennies, le FEM a accordé près de 25 milliards de dollars de financement et mobilisé 145 milliards de dollars supplémentaires pour des projets prioritaires menés par les pays. La famille de fonds comprend le Fonds fiduciaire du FEM, le Fonds du cadre mondial pour la biodiversité (GBFF), le Fonds pour les pays les moins avancés (FPMA), le Fonds spécial pour les changements climatiques (FSCC), le Fonds de mise en œuvre du Protocole de Nagoya (NPIF) et le Fonds pour l’Initiative de renforcement des capacités en matière de transparence (CBIT).