Au Viet Nam, l’association Hiệp hội Cao đẳng Cộng đồng Việt Nam (VACC) met de nouvelles solutions en pratique pour pallier la pénurie d’eau dans les élevages de crevettes. Photo : VACC
Au Malawi, des champs brûlés par la sécheresse. Dans des villages bangladais, des puits contaminés par les inondations. Dans les eaux du Pacifique qui se réchauffent, des stocks de poissons s’effondrent. Comme nous le prédisent depuis longtemps les climatologues, les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplient et s’aggravent, menaçant les populations aux quatre coins du globe.
Pour les pays en développement, notamment ceux qui subissent de plein fouet les répercussions du changement climatique, il n’a jamais été aussi urgent de redoubler les efforts d’adaptation. Cependant, les solutions conçues selon une approche descendante ne suffiront pas à surmonter les défis à venir. L’adaptation menée à l’échelon local, pensée et pilotée par les populations, est vitale pour bâtir une résilience durable.
Au PNUD, nous sommes convaincus que le monde doit renforcer de manière radicale son soutien à l’innovation locale en matière d’adaptation au changement climatique. Les dirigeants mondiaux participant à la 29e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP29) à Bakou, en Azerbaïdjan, doivent reconnaître que les projets à petite échelle, menés localement, sont non seulement viables, mais aussi essentiels du point de vue de la résilience à long terme. Les dirigeants doivent donc financer ces projets en conséquence.
Notre Adaptation Innovation Marketplace (AIM) prouve déjà ce qu’il est possible de faire lorsque les initiatives locales reçoivent le financement, l’expertise et les partenariats dont elles ont besoin pour réussir.
Au Guatemala, l’association Natün remet au goût du jour des pratiques agricoles traditionnelles mayas, résilientes face au changement climatique. Photo : Asociación Natün
Transposer à plus grande échelle des solutions menées localement
L’histoire nous enseigne que l’adversité est un terreau fertile pour l’innovation. Cela n’est nulle part plus évident que dans les pays du Sud, où les communautés mettent au point des solutions ingénieuses et locales pour se préserver des incidences climatiques à venir.
Mais bien que leur potentiel soit immense, ces solutions locales restent largement sous-financées, principalement à cause de l’insuffisance du flux de financement de l’action climatique. En dépit des engagements pris au niveau mondial, de nombreux organismes locaux sont privés des ressources financières dont ils auraient besoin pour soutenir et intensifier leurs efforts.
Soumis à des contraintes drastiques et au manque d’investissements plus importants, la plupart de ces organismes fonctionnent en luttant pour survivre, sans pouvoir se développer.
Bien entendu, le financement n’est pas tout. Pour être transposées à plus grande échelle, ces initiatives devraient pouvoir bénéficier d’une expertise technique, d’une aide au développement des entreprises et de partenariats internationaux.
C’est pourquoi le PNUD et des partenaires se sont unis pour créer l’Adaptation Innovation Marketplace (AIM).
Débloquer des capitaux pour la résilience climatique
Lancée en 2021, l’Adaptation Innovation Marketplace vise à combler le fossé entre les solutions climatiques locales et la communauté financière mondiale, en mettant les innovateurs en contact avec des investisseurs publics et privés et en leur proposant les outils et l’expertise nécessaires pour démultiplier leurs efforts. Pour ce faire, l’AIM s’appuie sur deux programmes principaux : l’Accélérateur d’innovation climatique du Fonds pour l’adaptation du PNUD (AFCIA), ainsi que le Resilience for Peace and Stability, Food and Water Security Innovation Grant Programme.
Financé par le Fonds pour l’adaptation et l’Union européenne, l’Accélérateur d’innovation climatique du Fonds pour l’adaptation du PNUD (AFCIA) est axé sur l’autonomisation des organisations non gouvernementales et de la société civile dans les pays en développement.
Dans ce cadre, il porte une attention particulière aux jeunes entrepreneurs, aux femmes, aux peuples autochtones, aux personnes handicapées et à d’autres groupes vulnérables. Les subventions, qui vont de 60 000 à 250 000 dollars, sont prévues pour aider les organisations à passer d’initiatives de petite envergure à des projets évolutifs, susceptibles d’attirer des investissements plus importants.
Pour sa part, le Resilience for Peace and Stability, Food and Water Security Innovation Grant Programme, financé par le Fonds pour l’environnement mondial, se consacre au soutien des organisations à but non lucratif intervenant dans des situations fragiles. Grâce à ce programme, l’AIM a accordé des subventions de 200 000 à 300 000 dollars à des projets pilotés par les communautés en Ouganda et au Soudan.
Ensemble, ces programmes débloquent des capitaux et offrent une assistance technique au profit de solutions locales, tout en permettant une sensibilisation et un partage de connaissances entre pairs au niveau international.
Nous constatons des résultats très encourageants.
L’organisation South Asian Forum for Environment (SAFE) en Inde forme des femmes à l’agriculture flottante. Photo : SAFE-India
L’organisation caféière ougandaise Mountain Harvest soutient les petits producteurs de café. Photo : Mountain Harvest
Prenons l'exemple de l’organisation South Asian Forum for Environment (SAFE), qui a reçu une subvention du PNUD-AFCIA. Basé en Inde, SAFE est à l’avant-garde des fermes flottantes hydroponiques et de l’aquaculture afin d’aider les communautés vivant dans des zones inondables à maintenir leur production tout au long de l’année. Grâce au financement et à l’assistance technique de l’AIM et en faisant appel à d’autres sources de financement mixte, SAFE investit maintenant dans l’infrastructure décarbonée de la chaîne du froid, stimulant ainsi la viabilité économique de ces fermes flottantes et l’attractivité de l’initiative du point de vue du financement vert.
Citons également l’organisation ougandaise Mountain Harvest. Celle-ci soutient les petits producteurs de café en leur offrant une rémunération équitable pour leurs récoltes, ainsi qu’un financement à faible coût, grâce à une subvention du Resilience for Peace and Stability, Food and Water Security Innovation Grant Programme. En soulageant leur stress financier, l’organisation permet aux producteurs de se lancer dans des pratiques résilientes au changement climatique comme l’agroforesterie, un mode d’utulisation des terres qui associe la plantation d’arbres aux cultures ou aux pâturages, améliorant ainsi la qualité des sols et leur rétention en eau. Cette résilience accrue leur permet également de diversifier leurs sources de revenus.
Il ne s’agit là que de deux exemples parmi tant d’autres dans le cadre de l’AIM, qui illustrent comment les innovations menées localement peuvent accroître leur impact grâce au soutien adéquat.
Développer les partenariats et accroître l’impact
Les petites initiatives sont négligées par de nombreux canaux de financement traditionnels, mais le soutien global de l’AIM les aide à se développer et à réussir à long terme.
À cet égard, nous devons adopter une approche coordonnée et le travail de l’AIM est effectivement rendu possible par un vaste réseau de partenaires. Des organisations telles que l’International Centre for Climate Change and Development (ICCCAD), le Consortium universitaire des pays les moins avancés sur les changements climatiques (LUCCC), la Climate-Knowledge Innovation Community (Climate-KIC) financée par l’Union européenne et le Fonds d’équipement des Nations Unies (UNCDF) offrent un soutien technique essentiel. L’AIM a également forgé des alliances stratégiques avec l’Alliance pour le climat et le développement (CDKN) et des réseaux d’investissement à impact comme l’Asia Venture Philanthropy Network (AVPN), l’African Venture Philanthropy Alliance (AVPA) et Latimpacto. Ces partenariats sont complétés par le réseau mondial de bureaux de pays du PNUD, par l’intermédiaire duquel l’AIM peut apporter des financements dans des communautés difficiles d’accès.
L’une des collaborations les plus innovantes de l’AIM est son programme de stages pour les étudiants en Master of Business Administration (MBA). Élaboré en partenariat avec le Partenariat mondial pour la résilience, ce programme met en relation des étudiants en MBA issus de grandes écoles de commerce, dont Yale, Oxford et d’autres membres du réseau mondial GNAM (Global Network for Advanced Management), avec des initiatives nécessitant un soutien.
L’association La Voûte nubienne a réhabilité un procédé architectural antique dans le Sahel. Photo : Association la Voûte Nubienne (AVN)
L’association SAMPLE Uganda Aquaculture développe des techniques d’aquaponie favorisant la résilience face au changement climatique en Ouganda. Photo : SAMPLE Uganda Aquaculture Association
Dans le cadre de ce programme, plus de 50 étudiants ont été impliqués dans plus de 20 initiatives ces deux dernières années. Cette expérience leur a permis d’affiner les modèles d’entreprise, de découvrir de nouveaux marchés et d’améliorer la reddition de comptes et la communication sur l’impact.
Par exemple, un étudiant en MBA de l’Université d’Oxford a travaillé avec SAMPLE Uganda Aquaculture, une association locale ougandaise subventionnée dans le cadre de l’initiative PNUD-AFCIA, pour renforcer son modèle commercial de technologie aquaponique. Cette collaboration a permis de préparer le terrain pour transposer cette initiative à plus grande échelle dans les années à venir. De même, en Afrique de l’Est, un étudiant en MBA de l’Université d’Oxford a aidé l’association La Voûte nubienne à définir une stratégie plus ciblée pour se positionner sur le marché des crédits carbone, débloquant ainsi une nouvelle source de revenus précieuse.
En Argentine, l’AIM a également pu mettre en relation des étudiants spécialisés en finance avec la Fundación Proiectum, une organisation subventionnée dans le cadre de l’initiative PNUD-AFCIA. Les étudiants ont fourni des conseils fondamentaux sur la transformation des modèles opérationnels d’organisations à but non lucratif en structures pérennes et lucratives, dans une optique de durabilité et d’impact à long terme.
Les avantages de ces partenariats ont été mutuels : les organisations ont bénéficié d’une expertise technique, tandis que les étudiants ont pu avoir un aperçu du monde réel et découvrir des exemples concrets d’adaptation au changement climatique, de renforcement de la résilience et d’entrepreneuriat climatique.
L’école supérieure de commerce de l’Université de Cape Town a mis au point une étude de cas pédagogique basée sur l’approche de Mountain Harvest pour l’utiliser dans des cours abordant les chaînes de valeur inclusives et durables, l’innovation sociale, l’entrepreneuriat et les stratégies commerciales responsables. Elle a ainsi contribué à former la prochaine génération de leaders dans le domaine de l’action climatique.
En octobre 2023, un atelier PNUD-AFCIA a réuni à Manille 44 organisations venant de 32 pays, pour constituer des réseaux et échanger des connaissances. Photo : PNUD
Financer du niveau mondial au niveau local. Transposer des solutions à plus grande échelle, du niveau local au niveau mondial
En mettant en lumière le succès et le potentiel des innovations menées localement, l’AIM vise à recadrer le débat mondial sur le financement climatique, afin que les projets à petite échelle cessent d’être considérés comme des investissements risqués, mais plutôt comme des possibilités viables d’avoir un impact et de renforcer la résilience. Cette démarche s’inscrit dans le droit fil des engagements internationaux tels que les Principes de l’adaptation menée localement et les Objectifs de développement durable, qui soulignent l’importance d’autonomiser les communautés locales et de veiller à ce que les efforts d’adaptation soient plus inclusifs, durables et menés par les personnes les plus touchées par le changement climatique.
L’AIM a déjà obtenu des résultats considérables. Depuis sa création, cette initiative a accordé plus de 7,5 millions de dollars de subventions et alloué 6 millions de dollars supplémentaires pour assister techniquement 44 organisations dans 33 pays. Plus d’un million de personnes en ont bénéficié, directement ou indirectement.
En définitive, l’AIM est plus qu’une simple plateforme de financement. C’est un catalyseur de résilience, qui entraîne des changements transformateurs, pilotés par les communautés.
Alors que nous poursuivons la lutte contre le changement climatique, des initiatives telles que l’AIM deviendront de plus en plus capitales pour faire progresser l’adaptation, en démontrant que tous les efforts, aussi petits soient-ils, peuvent produire un impact mondial notable.
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Pour en savoir plus sur l’adaptation au changement climatique et comprendre pourquoi elle est cruciale, consultez notre texte explicatif ici.