Photo : PNUD Mauritanie
Au fur et à mesure du déroulement de la COP29, les dirigeants africains soulignent l’urgence d’accroître le financement de l’action climatique en Afrique, en appelant à des solutions de financement innovantes et accessibles, qui n’alourdissent pas le fardeau de la dette des nations du continent.
Cela est particulièrement crucial dans la région du Sahel, où les pays contribuent le moins au changement climatique tout en étant parmi les plus vulnérables à ses effets. Le Tchad, le Mali, le Niger et la Mauritanie figurent parmi les 12 pays les plus à risque, et le Burkina Faso parmi les 40 pays les plus vulnérables au monde.
Malgré l’accès à certains fonds consacrés au climat, tels que le Fonds pour les pays les moins avancés, la mise en œuvre des Contributions déterminées au niveau national (CDN) dans la région du Sahel reste largement sous-financée. Pour mettre en œuvre efficacement ces engagements climatiques nationaux, un soutien financier accru et des partenariats plus étroits sont nécessaires.
Ce défi est encore plus marqué dans les zones confrontées à l’insécurité. Au Sahel, les conflits portent non seulement préjudice à l’économie locale et aux moyens d’existence, entraînant des déplacements massifs de population, mais ils entravent également l’accès au financement de l’action climatique. Une étude a révélé qu’entre 2010 et 2018, les régions en proie à des tensions et à des conflits dans plus de la moitié des pays sahéliens ont reçu moins de financements pour l’adaptation au changement climatique que la moyenne des pays les moins avancés (PMA), soit entre 2 et 13 dollars par personne dans les États touchés par des tensions et des conflits, contre une moyenne de 18 dollars par personne dans les PMA.
Il est donc essentiel de mobiliser davantage de fonds publics pour soutenir l’action climatique et, surtout, de mobiliser des capitaux privés et réduire les risques. Le financement privé permet de résorber une grande partie du déficit financier et de débloquer des ressources supplémentaires pour permettre aux pays de mettre en œuvre leur CDN. Cela rejoint les conclusions du premier bilan mondial sur l’importance de reconnaître et de renforcer le rôle du secteur privé dans l’action climatique.
Photo : PNUD Mali
Photo : PNUD Tchad
Cependant, les pays du Sahel se heurtent à des défis de taille pour attirer les investissements privés, car les investisseurs perçoivent souvent les PMA comme trop risqués. Nous savons pourtant que le secteur privé pourrait aider considérablement les pays de cette région à atteindre les objectifs des CDN. Un atelier récemment organisé par le PNUD sur l’implication du secteur privé dans les CDN au Sahel a permis de définir trois idées susceptibles de favoriser la création de nouveaux partenariats :
1. Le secteur privé peut contribuer à l’action climatique de multiples façons
Pour que le secteur privé s’engage efficacement à soutenir la mise en œuvre des CDN à travers le Sahel, il est essentiel de reconnaître ses diverses caractéristiques et contributions possibles. Le secteur privé peut s’impliquer dans de nombreux domaines :
- Les entreprises privées ont la capacité d’élaborer des projets dans lesquels elles investissent et qui sont directement compatibles avec les objectifs des CDN dont elles contribuent à la réalisation. Leur expertise, leur innovation et leurs ressources peuvent jouer un rôle essentiel pour mener et reproduire à plus grande échelle des initiatives durables, ainsi que pour combler le déficit de financement de l’action climatique.
- Les investisseurs à impact mobilisent des fonds pour des projets non seulement rentables financièrement, mais également porteurs d’avantages sociaux et environnementaux non négligeables pour les populations locales. PANGEA Global Ventures et Gaia Impact sont des exemples d’investisseurs à impact qui font déjà la différence en Afrique de l’Ouest.
- Les entreprises privées décarbonisent leur propre production : les sociétés minières s’efforcent d’adopter des pratiques plus écologiques. Rien qu’en Afrique du Sud, ces dernières devraient investir jusqu’à 3,8 milliards de dollars dans des projets portant sur les énergies renouvelables, en vue d’augmenter de 6500 mégawatts leur capacité totale dans les années à venir. Ce changement ne répond pas seulement à des préoccupations environnementales, mais promet également des économies substantielles à long terme. En outre, le marché des matériaux de construction durables, tels que le ciment vert, gagne du terrain en Afrique. Afrisam et CIMPOR Côte d’Ivoire comptent parmi les entreprises leaders sur ce marché.
L’agriculture, les énergies renouvelables, l’amélioration de l’accès à l’énergie et l’efficacité énergétique sont des domaines essentiels dans lesquels le secteur privé peut agir pour le climat. Par exemple, les mini-réseaux solaires et les dispositifs solaires fonctionnant hors réseau permettent d’améliorer les capacités de transformation et de conservation des aliments, tandis que les technologies du biogaz peuvent dynamiser fortement les économies des pays du Sahel. En utilisant ces technologies, les populations vulnérables peuvent augmenter leur production alimentaire tout en consommant moins d’eau et en minimisant les pertes après récolte. En outre, des modèles commerciaux innovants peuvent faciliter l’électrification de services essentiels tels que ceux dispensés par les hôpitaux, les centres de santé et les écoles, améliorant ainsi la résilience et le bien-être de l’ensemble de la communauté.
2. Un dialogue entre les gouvernements et le secteur privé est essentiel
Bien que le potentiel d’engagement du secteur privé dans l’action climatique soit considérable, plusieurs facteurs structurels entravent l’accès à ces ressources.
L’une des principales difficultés réside dans le fait que de nombreuses entités du secteur privé ont du mal à définir des projets viables et susceptibles de recevoir le soutien des banques, ou qui correspondent aux critères d’éligibilité fixés par les fonds climatiques. En outre, le marché intérieur privé des pays du Sahel se compose principalement de petites et moyennes entreprises (PME) qui peinent souvent à monter des projets à grande échelle et n’ont pas la capacité de gérer les investissements conséquents requis pour de telles initiatives. En outre, une part importante de l’activité économique au Sahel relève du secteur informel, ce qui complique d’autant plus son engagement.
Un autre problème majeur est le manque de sensibilisation des entités du secteur privé aux possibilités d’investissement offertes par le biais des CDN. Pour y remédier, il est essentiel de favoriser un dialogue actif entre les gouvernements et le secteur privé, notamment sur le partage des risques, l’élaboration de réserves de projets susceptibles de recevoir le soutien des banques, l’accès aux capitaux et les critères d’investissement dans le domaine du financement climatique.
Photo : PNUD WACA
Photo : PNUD WACA
3. Les partenaires internationaux peuvent contribuer à mobiliser des fonds privés
Les partenaires internationaux comme le PNUD ont un rôle clé à jouer pour aider les pays du Sahel à s’engager avec le secteur privé pour atteindre les objectifs climatiques, notamment en analysant et en cartographiant les opportunités d’investissement. Cette année, le Rapport du PNUD sur l’investissement en Afrique a répertorié plus de 200 possibilités d’investissement pour les investisseurs et les entreprises dans 15 pays africains. Et plus de la moitié de ces possibilités d’investissement sont axées sur des initiatives liées au climat.
Dans le cadre du Programme de mini-réseaux africains (Africa Minigrid Program, AMP) et de son Cadre de réduction des risques pour les investissements dans les énergies renouvelables (DREI), le PNUD a contribué à mettre en œuvre plusieurs initiatives visant à combler le fossé entre les secteurs public et privé. Par exemple, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont élaboré des analyses et des plans d’action en vue de définir les interventions nécessaires pour réduire les risques perçus par les investisseurs dans les énergies renouvelables.
Le PNUD et ses partenaires peuvent aller encore plus loin en fournissant une assistance technique destinée à renforcer les contributions du secteur privé à l’action climatique. Voici quelques mesures qui peuvent faire la différence :
Le nouvel objectif de financement de l’action climatique étant au cœur de la COP29, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider les pays en développement à obtenir les ressources nécessaires à la mise en œuvre de leur plan climatique national. Pour atteindre l’objectif annuel de 1300 milliards de dollars de financement de l’action climatique proposé par les dirigeants africains, il faudra établir des partenariats solides avec le secteur privé. L’heure est venue de faire de cet objectif une réalité.
- Évaluer et suivre les contributions : Recenser les contributions actuelles et potentielles des entreprises privées au Sahel peut rendre l’ampleur de ces contributions plus compréhensible. On peut également faciliter le suivi et la quantification des contributions des entreprises aux efforts d’adaptation et de résilience grâce à des mécanismes tels que les registres carbone, comme celui récemment lancé par la Côte d’Ivoire.
- Fournir des services de conseil : Un atelier récemment organisé par le PNUD a réuni des partenaires et des entités du secteur privé afin d’améliorer leur compréhension du potentiel d’investissement des CDN au Sahel. Cet atelier visait également à faire mieux connaître les instruments et aides disponibles pour accéder au financement de l’action climatique. Cette initiative a suscité l’intérêt de la Banque africaine de développement (BAD) et de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), qui y voient un moyen d’aider les entreprises à se préparer à investir et à obtenir des financements. En outre, grâce à sa Climate Promise, le PNUD peut allouer des fonds pour mettre au point des projets climatiques à fort impact, susceptibles de recevoir le soutien des banques.
- Développer des initiatives phares : La création d’initiatives visant à mettre en valeur le potentiel du secteur privé et à inciter d’autres entreprises à investir dans des projets liés au climat est un bon moyen de renforcer la sensibilisation et de mobiliser davantage de partenaires, tels que les banques commerciales et les entreprises privées internationales.
- Collaborer avec les partenaires régionaux : Favoriser la collaboration avec la Commission climat pour la région du Sahel (CCRS), une organisation interétatique regroupant 17 pays sous l’égide de l’Union africaine, peut permettre d’améliorer les synergies, d’intensifier les efforts et de relever le niveau d’ambition. La CCRS dispose déjà d’une réserve d’investissements et met en place un fonds destiné à soutenir la mise en œuvre des CDN.