Les solutions locales et urbaines seraient-elles le maillon manquant dans la lutte contre le changement climatique ?

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Photo: PNUD Türkiye

La crise climatique n’est plus aussi abstraite qu’elle a pu le paraître par le passé. Elle a eu ces dernières années des effets dévastateurs à l’échelle planétaire qui nous ont tous touchés à des degrés divers – par-delà les frontières, du Nord au Sud, dans les pays à revenu élevé comme dans les pays à faible revenu, dans les villages comme dans les villes et les agglomérations.

Rien qu’en 2022, nous avons été témoins d’une terrible sécheresse dans la Corne de l’Afrique, de vagues de chaleur en Asie du Sud et de la fonte accélérée des glaciers andins en Amérique du Sud. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat confirme que le monde connaîtra « de multiples risques climatiques inévitables au cours des vingt prochaines années ». Il met en garde contre d’autres répercussions, « dont certaines seront irréversibles ».

Les prévisions d’émissions de gaz à effet de serre (GES), fondées sur les engagements nationaux les plus récents en faveur du climat, connus sous le nom de Contributions Déterminées au niveau National (CDN), montrent clairement que la route qui permet d’éviter la catastrophe est de plus en plus étroite. Il est clair que nous avons besoin d’une action décisive pour réduire les émissions de GES, associée au passage à des économies à faible émission de carbone, à une résilience accrue et à une plus grande capacité d’adaptation pour tous les citoyens.

Comment procéder ? Une solution importante consiste à s’appuyer sur les dirigeants locaux en tant qu’acteurs clé de la solution climatique.

L’action climatique doit venir de la base

Lorsqu’il est question d’action climatique, le premier réflexe est de diriger son attention vers les gouvernements nationaux, car il est reconnu qu’ils jouent un rôle clé dans les négociations sur le climat et qu’ils ont une certaine responsabilité dans la prise de mesures décisives pour l’action. Une approche plus méconnue consiste à s’adresser aux dirigeants des villages, des villes et des agglomérations qui peuvent également jouer un rôle fondamental dans la mise en œuvre de l’action climatique – et qui le font souvent de façon créative et innovante.

Pourquoi ? Parce que c’est au niveau infranational que :

  • Les relations entre la population et les pouvoirs publics sont les plus étroites, et qu’il règne un niveau de confiance élevé entre les communautés et les autorités.
  • Les dirigeants savent comment rallier des opinions diverses pour faire avancer les choses et mettre en œuvre les orientations politiques de manière pragmatique.
  • Les individus et les communautés entières, y compris les groupes les plus vulnérables et marginalisés, ont la possibilité de s’engager dans l’action climatique de manière durable et plus significative.

Les réponses des villes à la crise climatique sont particulièrement cruciales : à l’heure actuelle, les villes abritent plus de 50 % de la population mondiale, et ce chiffre devrait atteindre 70 % d’ici 2050. L’action climatique doit également permettre d’aider les plus de trois milliards de personnes hautement vulnérables au changement climatique et les près d’un milliard de citadins qui vivent dans des établissements informels.

C’est pourquoi, au sein des agences de développement telles que le PNUD et ONU-Habitat, nous accordons beaucoup plus d’attention à « l’ancrage local des CDN », qui est la garantie de la réalisation des objectifs climatiques. Mais comment faire pour que les stratégies et les plans ne restent pas lettre morte ?

Photo: UNDP Mali

Les dirigeants locaux ouvrent la voie à l’action climatique

Les solutions climatiques locales peuvent réduire les émissions de GES à la source et accroître la résilience de zones densément peuplées et bâties. C’est au niveau local que les stratégies globales telles que les CDN et les plans nationaux d’adaptation (PNA) se recoupent et que les pays atteignent réellement leurs objectifs climatiques. En revanche, l’incapacité à mettre en œuvre les CDN par le biais de projets concrets sur le terrain peut entraîner une perte d’espoir et de confiance dans les institutions et les mécanismes liés aux CDN.

Le PNUD aide de nombreux pays à tracer de nouvelles voies dans la mise en œuvre de l’action climatique – où les acteurs locaux prennent l’initiative :

  • À Lima, au Pérou, l’eau est une ressource rare. Pour contribuer à résoudre la crise de l’eau, le gouvernement a testé avec succès une méthode de collecte de l’eau dans des écosystèmes uniques, qui se caractérisent par des concentrations denses de brouillard et que l’on appelle oasis de brouillard. Les communautés jouent un rôle clé dans la mise en œuvre de ce système. 
  • En Serbie, où plus de la moitié de la population vit en ville, un appel à projet en faveur d’un développement urbain intelligent face au changement climatique encourage les initiatives locales qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à créer des emplois verts et à améliorer les services publics.
  • Au Cambodge, les autorités provinciales et les communautés locales luttent contre la hausse des températures et la variabilité accrue de la saison des moussons en créant des Centres d’information sur la sécheresse afin de prévoir les épisodes de sécheresse et de mieux coordonner les mesures d’urgence pour réduire les pertes et aider ainsi près de six millions de personnes.

Ces exemples et d’autres projets climatiques déployés au niveau infranational sont mis en avant dans le nouveau rapport du PNUD intitulé L'action climatique depuis la base : soutenir les villes et les gouvernements locaux et régionaux pour réaliser l'accord de Paris (en anglais). Ce travail s’inscrit dans le cadre de l’initiative Climate Promise, qui aide plus de 120 pays depuis 2019 à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et à relever leur niveau d’ambition climatique.

ONU-Habitat s’associe également aux pouvoirs publics infranationaux et aux experts communautaires pour placer les solutions climatiques au cœur de la mise en œuvre des CDN. En plus de montrer la voie pour assurer le développement et la croissance durable des zones urbaines, ONU-Habitat considère la nature comme l’un des éléments centraux qui permet d’atteindre les objectifs des CDN dans les villes tout en renforçant la résilience au changement climatique. Ces « Solutions fondées sur la Nature » protègent, gèrent et restaurent les écosystèmes pour relever les défis sociétaux et offrir de multiples avantages aux populations et à la nature. Les initiatives suivantes sont menées par ONU-Habitat dans le cadre de son programme phare RISE UP (Résilience climatique des citadins pauvres) , qui apporte un soutien aux bidonvilles ou « établissements informels » à faible revenu dans les villes privées de services de base tels que l’approvisionnement en eau potable et la gestion des déchets, et où les habitants courent des risques tels que la menace d’expulsion, la précarité des constructions et la surpopulation :

  • À Madagascar, en collaboration avec la commune de Bemanonga et deux associations locales, CODE Menabe et le Consortium des Jeunes « Mahery », 35 hectares de mangroves ont été restaurés à Lovobe et Kimony pour augmenter la capacité de stockage d’eau des zones humides. Cela a permis d’accroître les capacités d’adaptation des communautés pauvres vulnérables au changement climatique, tout en captant le carbone de l’atmosphère et en contribuant à atteindre les objectifs de biodiversité.
  • Dans les Îles Salomon, le gouvernement local de Honiara, avec le soutien de l’université RMIT, s’efforce d’améliorer la stabilisation de l’inclinaison du sol afin de protéger les établissements informels des glissements de terrain causés par les fortes pluies et de l’érosion des sols induite par le changement climatique.
  • Au Malawi, une campagne de restauration du couvert végétal a été lancée à Lilongwe pour remédier à la forte progression de la perte de végétation due à l’expansion rapide de la capitale ces 30 dernières années. Le renforcement du lien entre la ville et la nature est un élément important de l’initiative « Lilongwe Ecological Corridor ».

L’élan de mobilisation et de sensibilisation suscité par la dernière série de soumissions de CDN et l’attention accrue portée à la mise en œuvre des CDN nous offre une occasion unique que nous ne devons surtout pas laisser passer. Nous devons maximiser l’expertise locale, dans les villages, les villes et les grandes agglomérations – c’est là l’une de nos plus précieuses ressources.
 


Note de l’éditeur : Le PNUD et ONU-Habitat travaillent en étroite collaboration pour aider les pays partenaires à amplifier leur ambition climatique par le biais d’une action climatique au niveau local – il s’agit d’un pilier essentiel du Cadre de collaboration renforcée PNUD/ONU-Habitat, qui sous-tend l’engagement des deux agences à renforcer leur offre de services en mettant davantage l’accent sur le niveau infranational.