Les crises économiques et le changement climatique mettent en péril l’agriculture dans le district d’Al-Majhafah, au Yémen. PNUD : Yemen
À mesure que les effets du changement climatique s’intensifient, le monde réclame plus que jamais une adaptation renforcée et plus stratégique. Mais une question fondamentale se pose : qui va financer cette adaptation, et par quels moyens ?
Le coût de l’adaptation aux effets du changement climatique augmente. D’ici 2035, les besoins de financement de l’adaptation dans les pays en développement devraient dépasser 310 milliards de dollars des États-Unis par an, soit 12 fois plus que les flux actuels de financement public international pour l’adaptation. Plus qu’un chiffre, cet écart révèle de profondes inégalités.
Un des enjeux majeurs de la COP30 sera de trouver comment combler ce déficit. Or, nous savons que cela ne se fera pas du jour au lendemain. C’est pourquoi il est tout aussi important d’utiliser judicieusement les ressources existantes que d’en lever de nouvelles. Dans l’intervalle, les systèmes nationaux et internationaux qui financent l’adaptation doivent continuer à évoluer afin d’optimiser l’impact de chaque investissement, qui puisse se mesurer en termes de résilience réelle sur le terrain.
Cette évolution est conditionnée par quatre éléments clés : des institutions nationales solides, des flux internationaux de financement de l’action climatique rapides et prévisibles, une gamme diversifiée d’instruments au service de l’adaptation, et des systèmes robustes permettant un suivi des résultats et un apprentissage à grande échelle.
1. Des institutions nationales solides
Le fondement d’une architecture de financement de l’adaptation efficace, ce sont des institutions nationales solides. Lorsque les gouvernements ont la capacité de planifier, de coordonner et d’investir de manière stratégique, les mesures d’adaptation ont plus de chances d’être pérennisées, reproduites à plus grande échelle et alignées sur les priorités nationales en matière de développement.
La cohérence entre les processus de planification indique de manière évidente une forte capacité institutionnelle. Les Plans nationaux d’adaptation (PNA) et les Contributions déterminées au niveau national (CDN) gagnent en efficacité lorsqu’ils ne restent pas séparés, mais qu’ils influencent les décisions centrales en matière de planification économique et d’investissement public.
Le PNUD aide les pays à planifier et à mettre en œuvre ces processus. Nous avons vu ces pays clarifier les responsabilités et rôles institutionnels, renforcer la collaboration interministérielle et intégrer la résilience au changement climatique dans les investissements et l’établissement des budgets.
Ces fondements institutionnels sont importants. Lorsqu’ils sont solides, le financement de l’adaptation se traduit plus directement par des systèmes agricoles résilients, des infrastructures climato-intelligentes et des programmes de protection sociale renforcés. L’évolution récente vers une plus grande canalisation de l’action climatique vers les institutions nationales sont également un signe encourageant.
Par exemple, en Moldova, un cadre national de suivi et d’évaluation de l’adaptation, supervisé par la commission nationale sur les changements climatiques, contribue à intégrer les priorités climatiques dans la planification sectorielle et à faire coïncider les plans de développement nationaux et locaux avec les objectifs à long terme en matière de résilience au changement climatique. Cela a permis de renforcer la coordination et le principe de responsabilité entre les institutions.
En parallèle, aux Fidji, le gouvernement a renforcé ses procédures de conception, de mise en œuvre et de suivi des infrastructures rurales, tout en associant le financement international de l’action climatique aux budgets nationaux afin de déployer les fonds de manière plus stratégique et à plus grande échelle.
2. Des flux internationaux de financement de l’action climatique rapides et prévisibles
Ces dix dernières années, les investissements mondiaux des acteurs publics et privés dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le renforcement de la résilience ont été multipliés par plus de cinq, reflétant une ambition plus forte et une prise de conscience croissante du coût de l’inaction.
Au cours de cette période, le rôle du financement public dans l’adaptation a également évolué. Il y a dix ans, alors que l’Accord de Paris était sur le point d’être adopté en 2015, le financement de l’adaptation était généralement considéré comme relevant des fonds publics internationaux, en particulier des mécanismes basés sur les subventions. Désormais, on considère de plus en plus que ce financement sous forme de subventions devrait, autant que possible, être un catalyseur pour réduire les risques liés aux investissements, augmenter les chances d’obtenir des financements et mobiliser des capitaux privés et semi-publics à grande échelle.
Malgré cette évolution, la manière dont les financements publics internationaux pour le climat sont octroyés aux pays vulnérables reste largement inchangée sur deux aspects essentiels : la rapidité et la prévisibilité. De nombreux pays mettent encore des années à préparer des propositions de financement, alors que les fonds auxquels ils sont destinés doivent être dépensés dans des délais beaucoup plus court. Dans l’architecture internationale actuelle du financement de l’action climatique, les pays consacrent beaucoup de temps et d’argent à concevoir des projets, au détriment de la mise en œuvre des solutions d’adaptation. Le processus qui en résulte freine l’innovation et la flexibilité indispensables à une adaptation efficace.
Améliorer la rapidité et la prévisibilité du financement climatique ne se résume pas à un simple ajustement technique : il y va de la crédibilité de la coopération internationale, ainsi que de la confiance accordée par les pays en développement au cofinancement, à la préparation de projets et aux réformes politiques. Par contre, un financement lent ou incertain prive d’opportunités et restreint les gains. Un rapport récent du groupe de travail du G20 sur la finance durable relaye cet appel en faveur d’un financement de l’action climatique plus rapide et plus prévisible.
Par le biais d’interventions en faveur de l’adaptation dans les zones côtières, le PNUD aide les Tuvalu à réduire leur vulnérabilité aux conséquences néfastes des inondations, de l’érosion du littoral et de l’élévation du niveau de la mer. Photo : TCAP / PNUD
Mis en oeuvre par le PNUD et la FAO, le Programme SCALA soutient les gouvernements pour qu’ils incitent les entreprises agroalimentaires et les institutions financières à élaborer des projets d’adaptation prêts à faire l’objet d’investissements. Photo : FAO Cambodge
3. Une gamme d’instruments financiers au service de l’adaptation
L’adaptation nécessite un ensemble diversifié d’instruments financiers capables de répondre à différents types de risques, secteurs et besoins des communautés. Ces dernières années, les pays et les partenaires de développement ont commencé à élargir l’éventail d’outils disponibles, allant des obligations vertes en faveur de la résilience aux clauses de dette visant à renforcer la résilience au changement climatique, en passant par les mécanismes de financement mixte destinés à attirer les capitaux privés. Ces instruments peuvent avoir un fort impact, à condition que les pays disposent des systèmes nécessaires pour les mettre en œuvre.
La Coalition des ministres des finances pour l’action climatique a reconnu à la fois le potentiel de ces instruments et l’importance des cadres réglementaires nationaux qui permettent de les déployer.
Les subventions continuent de jouer un rôle essentiel. De nombreuses mesures d’adaptation, telles que la protection des littoraux et la restauration des écosystèmes, ne génèrent pas de retombées financières directes et ne suffisent pas pour attirer les investissements privés. Dans ce cas, le financement public à des conditions favorables reste essentiel. Cependant, les subventions peuvent également être utilisées de manière stratégique pour réduire les risques des projets, renforcer les institutions et mobiliser des investissements privés et quasi publics même lorsque la viabilité commerciale existe.
De nombreux outils et cadres voient le jour pour aider les pays à opérer cette transition.
Les prochaines lignes directrices du PNUD sur la stratégie de financement de l’adaptation entendent aider les gouvernements à cartographier les besoins et les ressources disponibles en matière d’adaptation et à définir des points d’entrée pour des investissements publics aussi bien que privés.
Sous la houlette de l’Italie, l’Adaptation Accelerator Hub (AAH) du G7 aide les pays vulnérables à mettre en œuvre cette approche, en déterminant les priorités d’adaptation prêtes à être financées, en constituant des réserves de projets susceptibles d’être financés et en formant des partenariats financiers qui associent de manière coordonnée les capitaux publics et privés. Le soutien apporté par l’AAH sera aligné sur les autres mécanismes existants aux objectifs similaires, notamment les plateformes nationales pour l’action climatique et le programme de planification des investissements pour l’adaptation au changement climatique de la Banque asiatique de développement.
Les pays agissent également dans ce sens. Au Cambodge et en Côte d’Ivoire, par exemple, les gouvernements collaborent avec des entreprises agroalimentaires et des institutions financières afin d’investir dans des filières résilientes au changement climatique. Le financement public sert stratégiquement à réduire les risques et à améliorer les rendements, ce qui contribue à mobiliser des capitaux privés pour l’adaptation à une échelle qui n’aurait pas été possible autrement.
Nous devons désormais systématiser ces approches, en renforçant les cadres réglementaires et les capacités des pays afin qu’ils puissent déployer des financements mixtes et d’autres instruments de façon systématique, plutôt que projet par projet.
4. Des systèmes robustes pour suivre les résultats et apprendre à grande échelle
Pour que le financement de l’adaptation soit synonyme de résilience significative et durable, les pays ont besoin de systèmes permettant de suivre les résultats et de fonder leurs décisions sur des données probantes. Le suivi et l’évaluation ne doivent pas être considérés comme des exercices de conformité, mais comme des outils qui aident les gouvernements à comprendre quelles mesures fonctionnent, où les vulnérabilités persistent et comment les ressources peuvent être mieux allouées.
Le Cadre de transparence renforcé créé par l’Accord de Paris et l’Objectif mondial en matière d’adaptation accélèrent la transition vers une plus grande cohérence dans le rapportage. Mais en fin de compte, les progrès dépendent des systèmes nationaux qui permettent de recueillir, d’analyser et d’exploiter les données dans tous les secteurs et à tous les échelons gouvernementaux.
De nombreux pays s’efforcent actuellement de renforcer ces capacités. En Équateur, une plateforme nationale d’adaptation au changement climatique centralise les données et les outils nécessaires à l’action politique. L’Uruguay utilise un système national pour suivre les mesures de résilience au niveau municipal. Au Viet Nam, les informations sur les risques et les vulnérabilités, ainsi que les mesures d’adaptation, sont cartographiées afin d’orienter les choix en matière de planification et d’investissement.
En outre, le PNUD aide les pays à mettre en place et à harmoniser leurs systèmes de suivi, d’évaluation et d’apprentissage afin que les données tirées des résultats de l’adaptation puissent être directement prises en compte par les systèmes nationaux de financement et de planification. Ceci renforcerait le principe de responsabilité et la mise à l’échelle des mesures efficaces.
Il est important de noter que les systèmes de suivi-évaluation sont d’autant plus efficaces qu’ils sont directement intégrés dans la planification, la budgétisation et l’apprentissage.
Ces systèmes sont plus que de simples outils au service de la conformité. En rendant plus visibles la manière dont ces fonds pour l’adaptation sont utilisés et les succès obtenus, ils renforcent la confiance des partenaires financiers nationaux et internationaux. Ils permettent aussi d’apprendre des interventions qui fonctionnent. Grâce à eux, les pays peuvent repérer les lacunes, reproduire les initiatives fructueuses à plus grande échelle et mieux justifier les investissements futurs.
Plus le financement de l’adaptation augmente, plus la capacité à rendre compte de manière transparente, à apprendre en permanence et à ajuster leur trajectoire importera pour faire en sorte que chaque investissement contribue à une véritable résilience sur le terrain.
Le PNUD aide des pays comme l’Équateur et le Viet Nam à renforcer leurs systèmes de transparence et de surveillance pour suivre les progrès réalisés en matière d’adaptation. Photo : PNUD Équateur
Appuyé par le PNUD, le Plan national d’adaptation du Moldova a fixé un cadre national de suivi et d’évaluation permettant de suivre les progrès réalisés en matière d’adaptation, d’intégrer les priorités climatiques dans la planification sectorielle et de garantir la transparence et le principe de responsabilité dans la prise de décision. Photo : FAO
Et maintenant ?
A présent, le financement mondial de l’adaptation devra faire en sorte que les ressources circulent plus rapidement, aient une plus grande portée et renforcent durablement la résilience. Il ne faut donc pas seulement augmenter le volume et la qualité de ce financement, mais aussi le rendre plus flexible et accessible. Cela signifie également que nous devons renforcer les systèmes qui rendent ce financement efficace : les institutions doivent être capables de planifier et de coordonner, les mécanismes financiers capables de mobiliser diverses sources de capitaux, et les cadres de suivi à même de prouver les progrès accomplis.
Alors que le monde se tourne vers la COP30 au Brésil et au-delà, la mesure des progrès ne se fera pas uniquement à l’aune de l’ampleur des nouveaux engagements, mais aussi à celle de la rapidité des systèmes de financement, de leur prévisibilité et de leur adéquation avec les priorités nationales.
Le véritable test consistera à déterminer si le financement de l’adaptation est efficace là où il est le plus nécessaire, c’est-à-dire dans les villages côtiers, les exploitations agricoles touchées par la sécheresse et les communautés vulnérables où le changement climatique est une réalité quotidienne.