Photo: Programme UN REDD
Que sont les marchés du carbone et pourquoi sont-ils importants ?
EN 2021, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a publié une nouveau rapport sur les progrès accomplis dans le monde pour ralentir le changement climatique. La mauvaise nouvelle : les émissions de gaz à effet de serre (GES) continuent d'augmenter dans tous les principaux secteurs du monde, bien qu'à un rythme plus lent. Parmi les bonnes nouvelles : les énergies renouvelables sont désormais bon marché – souvent moins chères que le charbon, le pétrole et le gaz.
Malgré des progrès incontestables, le monde se trouve face à un défi redoutable. Les scientifiques préviennent que les 2 °C de réchauffement seront dépassés au cours du 21e siècle, à moins que nous ne parvenions dès maintenant à atteindre des réductions importantes des émissions de GES.
Une action efficace nécessitera des investissements suffisants et concertés, sachant que les coûts de l'inaction seront beaucoup plus élevés. Les pays en développement auront besoin d'une somme pouvant s'élever jusqu'à 6 000 milliards de dollars américains d'ici 2030 pour financer moins de la moitié de leurs objectifs d'action climatique (tels que figurant dans leurs Contributions Déterminées au niveau National, ou CDN).
Le dernier rapport du GIEC révèle que tous les pays sont loin d'être à la hauteur, avec des flux financiers trois à six fois inférieurs aux niveaux requis d'ici 2030, avec des différences encore plus marquées dans certaines régions du monde.
Alors, comment stimulons-nous – et finançons-nous – la transformation nécessaire pour faire face à la crise climatique ? De nombreux pays se tournent vers les marchés du carbone dans le cadre de la réponse.
Que sont les marchés du carbone ?
En un mot, les marchés du carbone sont des systèmes d'échange dans lesquels des crédits carbone sont vendus et achetés. Les entreprises ou les particuliers peuvent utiliser les marchés du carbone pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre en achetant des crédits carbone à des entités qui éliminent ou réduisent les émissions de gaz à effet de serre.
Un crédit carbone négociable équivaut à une tonne de dioxyde de carbone, ou à la quantité équivalente d'un autre gaz à effet de serre, qui est réduite, séquestrée ou évitée. Lorsqu'un crédit est utilisé pour réduire, séquestrer ou éviter des émissions, il devient une compensation et n'est plus négociable
Combien de types de marchés du carbone existe-t-il ?
Il existe principalement deux types de marchés du carbone : de conformité et volontaire.
Les marchés de conformité sont créés à la suite d'une politique ou exigence réglementaire nationale, régionale et/ou internationale.
Les marchés volontaires du carbone – nationaux et internationaux – désignent l'émission, l'achat et la vente de crédits carbone, sur une base volontaire.
L'offre actuelle de crédits carbone volontaires provient principalement d'entités privées qui développent des projets carbone, ou de gouvernements qui développent des programmes certifiés par des normes carbone qui génèrent des réductions et/ou des absorptions d'émissions.
La demande provient de particuliers qui souhaitent compenser leur empreinte carbone, d'entreprises ayant des objectifs de développement durable, et d'autres acteurs qui cherchent à échanger des crédits à un prix plus élevé pour réaliser un profit.
Quels en sont des exemples ?
Un type de marché de conformité dont beaucoup de gens ont entendu parler est le système d’échange de quotas d’émission (SEQE). Fonctionnant selon un principe de « de plafonnement et d’échange », les entreprises – ou les pays, comme dans le cadre SEQE de l'Union européenne – réglementées se voient délivrer des permis d'émission/pollution, ou des quotas par les gouvernements (qui s'additionnent pour arriver à un montant total maximal, ou plafonné). Les pollueurs qui dépassent leur nombre d'émissions autorisées doivent acheter des permis à d'autres entités grâce à des permis disponibles à la vente (c'est-à-dire, faire un échange).
L'Union européenne a lancé le premier SEQE international au monde en 2005. EN 2021, la Chine a lancé le plus grand système d'échange de quotas d'émission au monde, qui couvrirait apparemment environ un septième des émissions mondiales de carbone provenant de combustibles fossiles. De nombreux autres SEQE nationaux et infranationaux sont actuellement exploités ou en cours de développement.
Le Mécanisme pour un développement propre (MDP), adopté dans le cadre du Protocole de Kyoto en 1997, est un autre exemple bien connu de marché international de conformité. Dans le cadre du MDP, les projets de réduction des émissions dans les pays en développement ont généré des crédits carbone utilisés par les pays industrialisés pour atteindre une partie de leurs objectifs de réduction des émissions.
Pourquoi entendons-nous davantage parler des marchés du carbone ?
La finance carbone sera essentielle pour la mise en œuvre des CDN, et l'Accord de Paris prévoit l'utilisation de mécanismes de marché de la sorte dans l'article 6.
C'est pourquoi, dans le monde entier, l'intérêt pour les marchés du carbone ne cesse de croître : 83 % des pays ayant des CDN déclarent avoir l'intention d'utiliser les mécanismes du marché international pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Les négociations liées au fonctionnement des mécanismes figurant dans l'article 6 de l'Accord de Paris étaient au centre de la COP26 à Glasgow. Avec les décisions qui y ont été prises, le « règlement de l'Accord de Paris » pour la mise en œuvre de l'Accord a été considéré comme mené à bien. Cependant, il reste des détails à régler, et les discussions devraient donc se poursuivre lors des prochaines réunions de la CCNUCC qui se tiendront à Bonn, en Allemagne, en juin 2022, puis lors de la COP27 à Charm el-Cheikh, en Égypte. Toutefois, certains détails doivent encore être réglés. De nouveaux progrès ont été réalisés lors de la COP27 et les discussions devraient se poursuivre lors des réunions de la CCNUCC qui se tiendront à Bonn, en Allemagne, et lors de la COP28 à Dubaï, dans les Émirats arabes unis.
Quels sont les défis ?
Des progrès ont été accomplis vers un accord sur les processus et les méthodologies que les pays devront suivre pour accéder aux marchés du carbone. Et de nombreuses opportunités en sont ressorties, notamment les avantages qui découleront du détournement d'une partie des recettes pour aider les pays les plus vulnérables à s'adapter au changement climatique.
Cela dit, de sérieuses préoccupations ont également surgi, notamment des problèmes liés au double comptage des réductions d'émissions de GES, aux violations des droits humains et à l'écoblanchiment (lorsque les entreprises commercialisent fallacieusement leurs références vertes par le biais, par exemple, de fausses déclarations sur des produits ou services climatiquement neutres). C'est pourquoi les négociations de l'Accord de Paris sur ce sujet ont été si longues et complexes.
Pour que les marchés du carbone soient efficaces, ces problèmes doivent être abordés. Les réductions et suppressions d'émissions doivent être réelles et alignées sur la CDN du pays. L'infrastructure institutionnelle et financière des transactions sur le marché du carbone doit être transparente. Et des garanties sociales et environnementales adéquates sont nécessaires pour atténuer tout impact négatif du projet – et pour promouvoir ses effets positifs.
Les droits humains doivent également être respectés, y compris ceux des peuples autochtones et des communautés locales.
Renforcer l'intégrité des marchés du carbone est essentiel.
Quels sont les pays leaders sur les marchés du carbone ?
Les pays richement pourvus en forêts tels que le Costa Rica étudient comment s'engager stratégiquement dans les marchés du carbone dans le cadre de la réalisation de leurs CDN.
En Asie du Sud-Est, le Cambodge possède une vaste expérience du marché volontaire du carbone dans le secteur forestier. Conformément à sa CDN mise à jour et à sa stratégie à long terme ambitieuse en matière de neutralité carbone, le Cambodge, à travers la deuxième phase de la Climate Promise, est en train d'envisager stratégiquement comment les marchés internationaux du carbone réglementés et volontaires peuvent offrir des opportunités pour mobiliser des investissements dans des secteurs prioritaires tels que l'énergie, la forêt et l'aménagement du territoire.
Pendant ce temps, des pays comme le Ghana sont déjà en train d'innover en matière de mise en œuvre des instruments du marché du carbone développés grâce à la coopération volontaire entre les pays en vertu de l'article 6.2 de l'Accord de Paris.
Perspectives d'avenir
Le mois dernier, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a exhorté le monde à « mettre le pied au plancher » pour s'attaquer à la crise climatique.
S'ils sont tenus à des normes élevées d'intégrité et de transparence, les marchés du carbone pourront contribuer à accélérer la transformation nécessaire en fixant effectivement un prix sur la pollution et en créant une incitation économique à réduire les émissions. Ils peuvent également aider à générer certaines des sommes considérables nécessaires pour renforcer la résilience.
Avec la finalisation du règlement de l'Accord de Paris, et la communauté mondiale engagée dans des discussions autour de l'article 6 ainsi que sur la manière d'assurer l'intégrité, la dynamique se renforce.
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