Photo : Stéphane Bellerose, PNUD Maurice et Seychelles
En septembre, lors du Sommet africain sur le climat qui s’est tenu à Nairobi, au Kenya, le président Ruto a lancé la stratégie de développement à long terme et à faibles émissions de GES (LT-LEDS) du Kenya, dont l’objectif est de conduire le Kenya à un avenir zéro émission nette d’ici 2050.
Il s’agit d’une étape importante pour le Kenya. Mais dans l’ensemble, l’Afrique accuse un certain retard par rapport à d’autres régions. Seuls huit autres pays africains ont présenté leur LT-LEDS. La soumission récente de sa Stratégie par le Kenya porte le nombre total de pays dans ce cas à 68, mais la majorité des LT-LEDS ont été élaborées par des nations à revenu élevé ou intermédiaire.
Cette différence s’explique notamment par le fait que l’élaboration d’une LT-LEDS est très complexe et nécessite de nombreuses données ainsi qu’une analyse et une compréhension approfondies de l’action climatique dans divers contextes socio-économiques. Tout cela nécessite des ressources financières et humaines dotées de capacités particulières.
En conséquence, un nombre croissant de pays d’Afrique sollicitent un soutien international dans cette entreprise. En réponse à l’appel thématique du Partenariat pour les CDN visant à aider les pays à élaborer et à affiner leur LT-LEDS, près de la moitié des pays du continent ont déjà demandé de l’aide.
Afin de répondre aux besoins en capacités de la région, le PNUD et le Partenariat africain pour l’action climatique mondiale (AGCAP) ont organisé conjointement le tout premier atelier régional sur les LT-LEDS pour l’Afrique à Nairobi, au Kenya, en marge du Sommet africain sur le climat et de la Semaine africaine du climat. L’événement conjoint a été organisé avec le soutien technique de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), de 2050 Pathways et du Partenariat pour les CDN.
Au total, 70 représentants gouvernementaux de 32 pays africains se sont réunis pour échanger des idées, apprendre les uns des autres, étudier les difficultés liées à l’élaboration d’une LT-LEDS et former une nouvelle communauté de pratique.
À l’approche de la COP28, il est capital de saisir l’esprit, les leçons et l’élan générés par cet événement et de réfléchir aux idées qui en sont ressorties pour renforcer les engagements et les actions visant à lutter contre le changement climatique et à atteindre l’objectif de zéro émission nette en Afrique et au-delà.
Photo : PNUD Kenya
Photo : PNUD Kenya
1. Les LT-LEDS peuvent débloquer d’importants bénéfices sociaux et économiques
En Afrique, dans un contexte de besoins significatifs en matière de développement et de croissance économique rapide, les LT-LEDS servent des objectifs plus vastes que leurs seuls avantages environnementaux. Ces stratégies sont essentielles pour aligner les objectifs de développement économique et social sur les mesures nécessaires pour maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 1,5 °C. En effet, les huit pays qui ont soumis leur LT-LEDS à la CCNUCC l’ont intégrée à leur plan national de développement et aux objectifs de développement durable (ODD).
Alors que les pays quantifient les avantages socio-économiques de la transition vers les voies vers zéro émission nette, ils réalisent le potentiel des LT-LEDS à stimuler la croissance économique et à soutenir les moyens d’existence.
Par exemple, l’Éthiopie, deuxième pays d’Afrique par sa population et premier par la vitesse de croissance de son économie, a réalisé une évaluation complète qui montre que d’ici 2050, dans le cadre d’un scénario de développement à faible taux d’émission, son produit intérieur brut (PIB) pourrait potentiellement être supérieur de 66 pour cent au PIB prévu dans un scénario de maintien du statu quo. Cette stratégie pourrait également conduire à la création de 865 400 emplois verts par an jusqu’en 2050. Pour le secteur agricole, pilier de l’économie éthiopienne, cette stratégie pourrait éviter la perte de 20 millions de tonnes de récoltes grâce à des mesures d’adaptation au changement climatique, et permettre d’économiser 29 millions de dollars US par an en coûts d’engrais chimiques.
Le Zimbabwe a également mesuré l’impact socio-économique de sa LT-LEDS, en examinant de plus près son potentiel de création d’emplois, et a fait le constat que les investissements dans l’agriculture de conservation et l'agriculture intelligente face au climat pouvaient générer jusqu’à 30 000 emplois pour chaque million de dollars investi.
2. Les LT-LEDS doivent être conçues dans le cadre de processus inclusifs guidés par un leadership politique fort
Les effets positifs attendus des LT-LEDS sont essentiels pour obtenir un plus large soutien public et politique. En fait, la conception des LT-LEDS est un voyage collectif. Elle nécessite de réunir différents secteurs de la société et de l’économie, de parvenir à un consensus et de façonner une vision unifiée d’un avenir zéro émission nette. En tant que tel, le processus de recherche de consensus est aussi vital que la stratégie qui en résulte, car il crée une plateforme de dialogue et garantit l’inclusivité.
Au Kenya, la LT-LEDS a été élaborée à la suite de consultations approfondies avec différents groupes, en mettant l'accent sur une approche ascendante et un effort collectif. Diverses parties prenantes nationales se sont réunies pour discuter et façonner la voie du pays vers un avenir durable, faisant en sorte que la stratégie ne soit pas simplement une vision sur papier, mais qu’elle soit ancrée dans les réalités et les aspirations des personnes qu’elle vise à servir.
Photo : PNUD Tchad
Photo : Naim Yussuf, PNUE
Le leadership politique a joué un rôle essentiel pour faire avancer le processus, le président Ruto s’étant résolument engagé à atteindre l'objectif de zéro émission nette lors de la COP26 et ayant officiellement dévoilé la LT-LEDS lors du Sommet africain sur le climat de 2023. Ce leadership politique au plus haut niveau a joué un rôle clé dans la promotion de la collaboration entre tous les ministères. Sans lui, il aurait été difficile d’élaborer une stratégie globale couvrant l’ensemble de l’économie et alignant les objectifs climatiques, économiques et de développement.
3. Les investissements dans les données et dans les capacités techniques et financières sont essentiels à la réussite des LT-LEDS
L’élaboration des LT-LEDS va bien au-delà d’un simple exercice bureaucratique et offre une voie riche en opportunités. Cependant, l’Afrique est confrontée à des obstacles considérables pour traduire ces stratégies en actions tangibles, notamment des données inadéquates, des capacités techniques limitées et des contraintes financières.
Par exemple, le Kenya et l’Éthiopie estiment le coût de la mise en œuvre de leur LT-LEDS à 170 milliards de dollars et 157 milliards de dollars, respectivement. Pour combler les déficits de financement et tirer parti des avantages de la transition vers zéro émission nette, il est nécessaire de mobiliser des financements internationaux et privés, notamment pour financer les efforts qui visent à renforcer les capacités techniques et humaines locales.
Étant donné que la plupart des pays africains ont des besoins similaires en matière de financement et de capacités, et en l’absence de lignes directrices universelles pour la formulation et la mise en œuvre des LT-LEDS, les expériences des huit pays africains pionniers sont des sources inestimables d’informations et de conseils pratiques pour leurs pendants. Il est crucial que les pays africains disposent d’une plateforme pour partager leurs expériences, les difficultés rencontrées et les occasions à saisir, car leurs connaissances combinées peuvent guider plus efficacement l’élaboration des LT-LEDS et les aider à tirer parti des cycles quinquennaux de mise en œuvre de leurs Contributions Déterminées au niveau National pour progresser vers un avenir zéro émission nette.
Le PNUD est déterminé à soutenir les pays dans leur cheminement vers zéro émission nette. Nous aidons actuellement 12 pays africains à élaborer et à mettre en œuvre leur LT-LEDS. Au total, 27 pays bénéficient du soutien du PNUD, ce qui représente plus des deux tiers de toutes les demandes mondiales reçues dans le cadre de l’appel thématique du Partenariat pour les CDN. Cet engagement en faveur de l’élaboration des LT-LEDS est essentiel, car il s’agit d’outils indispensables pour atteindre les objectifs climatiques à long terme, promouvoir le développement durable et favoriser la coopération internationale dans la lutte contre le changement climatique.
Note de la rédaction : Si vous avez trouvé ce blog utile, consultez notre texte explicatif sur les stratégies à long terme.